Accueil ▷ Actualités ▷ News de l’histoire (du droit) des colonies
Que nous apprennent les artéfacts probatoires produits pour régler les litiges commerciaux au sujet de la configuration juridique de la Méditerranée entre les XVe et XIXe siècles ?
Depuis 2012, le programme de recherche Mediterranean Reconfigurations (ConfigMed) s’attache à étudier à nouveaux frais les litiges commerciaux, le pluralisme juridique et le commerce interculturel en Méditerranée, à la croisée de traditions, de régimes et de référents juridiques divers. Dans ce cadre, la méthode choisie prévoit d’aborder les conflits impliquant des acteurs économiques venus d’Europe, de l’empire ottoman et du Maghreb, ainsi que les rencontres, les compromis et les éventuelles contaminations.
Les systèmes de preuve des principaux régimes juridiques de l’Antiquité à l’époque contemporaine ont donné lieu à plusieurs enquêtes ainsi qu’à une grande série de publications entre la fin des années 1950 et le début de la décennie suivante, soit dans un contexte où les empires coloniaux finissants découvraient, ou redécouvraient, les fondements de théories légales autochtones, appelées jouer un rôle essentiel au moment des indépendances.
Ces journées d’étude ambitionnent de poursuivre ces travaux et ces réflexions en mettant tout particulièrement l’accent sur la production et la circulation des éléments de preuve en Méditerranée. En partant de l’examen des certificats, des attestations et des déclarations, on tâchera d’examiner leurs effets, tant sur le monde des affaires que sur des systèmes juridiques souvent pensés comme étanches.
L’un des axes structurants de ce workshop procédera à l’analyse des procédures du règlement des litiges à travers la production et la circulation de certificats et d’attestations. Les origines, la diversité formelle, la matérialité et les logiques de ces artéfacts devraient être à même de fournir des éléments de réflexion quant à la nature et la résolution des disputes, ainsi qu’au fonctionnement concret des institutions, telles que les consulats et les tribunaux de commerce. Une attention particulière devant être portée aux affaires impliquant des agents d’horizons différents (litiges avec l’infidèle, conflits entre étrangers et ceux opposant locaux et gens de passage) ; on s’attachera aux modalités et aux limites de l’accès à la justice pour les différents acteurs (les Musulmans, par exemple, fréquentaient-ils les cours européennes ?), ainsi qu’aux logiques et aux pratiques d’intermédiation rendues nécessaires par la présentation des éléments probatoires.
Notre réflexion repose sur les acquis de recherches récentes, comme celles consacrées aux procédures de « justice sommaire », mise à la disposition des étrangers et marchands en Europe, ou, en terre d’islam, à des doctrines (Siyasah) et des pratiques de justice administré par le souverain en lieu et place des qâdîs, comme le recours des étrangers au Divan ottoman. Le projet consiste à étudier les procédures au ras des archives, à travers les pratiques et la circulation des pièces. Il ne s’agit donc pas de s’intéresser en soi aux systèmes juridico-philosophiques d’une « civilisation » ou d’« aires culturelles » rarement définies de manière empirique, mais plutôt de réfléchir aux relations socio-culturelles suscitées par les litiges commerciaux, ainsi qu’aux enjeux suscités par la coexistence ou la compénétration de
logiques probatoires différentes.
La rencontre vise à surmonter la vision d’une Méditerranée réduite à l’opposition stricte entre un système de preuve Islamique - éminemment oral et structuré par les contraintes formalistes de la loi divine - et un régime probatoire occidental radicalement différent et orienté vers une Rationalisierung toute wébérienne, marqué par le triomphe de l’écrit et la notarisation du droit moderne. Ceci passera nécessairement par l’examen attentif de la circulation et l’usage des preuves, par la reconstitution des chaînes d’écriture et de réécriture entre litigants, intermédiaires et institutions productrices ou utilisatrices d’éléments probatoires. Cette démarche devrait produire matière à discuter la pertinence des frontières habituellement tracées entre des univers qui s’avèrent être poreux, telles que celles opposant l’oral et l’écrit, le privé et le public. Par exemple, la pratique judiciaire ottomane aurait mis en place des procédés de validation et de certification des actes privés à la valeur similaire aux attestations produites par l’autorité publique du notaire latin. De surcroît, il s’agira de dépasser une analyse des éléments de preuve les réduisant à leurs fonctions et fins originelles – véhiculer la vérité sur les faits – pour les interpréter pleinement comme des outils de la pensée. L’aspect formel des preuves, leurs logiques de composition et de communication, la rhétorique utilisée, leur(s) langue(s) et tout signe extérieur de validité pourront être mis à contribution afin d’évaluer, sous une lumière nouvelle, la texture des cultures juridiques d’époques, de territoires et de groupes sociaux différenciés. En considérant les pièces probatoires comme des médias, le workshop abordera le rôle de la preuve dans l’analyse des processus de communication et l’interprétera comme un scénario privilégié de créativité légale et culturelle dans un espace transméditerranéen formé par et pour la résolution des litiges commerciaux.
Axes thématiques :
Modalités pratiques d’envoi des propositions
Les propositions, de 1000 signes maximum, sont à adresser à Wolfgang Kaiser : wolfgang.kaiser chez univ-paris1.fr avant le 29 mars 2015
La sélection des propositions sera réalisée par le directeur du programme Wolfgang Kaiser et les organisateurs :
- Francisco Apellániz,
- Yavúz Aykan,
- Wolfgang Kaiser,
- Johann Petitjean
Contacts
Annonce from http://calenda.org/321377
Page créée le jeudi 26 mars 2015, par Dominique Taurisson-Mouret.